Parachute descensionnel [Terminé]

Le mec s'appelait Newton, il a inventé la loi de la gravité quand il s'est fait réveillé par une pomme. Quelle idée aussi de faire la sieste sous un pommier? Enfin bref, depuis les choses tombaient, surtout de haut en général. De très haut dans le cas de Jerry. La chute dura donc longtemps, assez pour qu'il voit sa vie défilée sous ses yeux et qu'il puisse réciter toutes les malédictions qu'il connaissait. S'il avait été un sorcier, Willow aurait été changée en bouc, aurait porté malheur à ses proches, aurait vu ses organes génitaux tomber et n'aurait plus su parler aucune langue intelligible. Le tout sur un nombre superlatif de générations. Mais Jerry n'était pas sorcier et c'est bien là le problème. Sinon il se serait téléporté au lieu de regarder le sol se rapprocher à toute vitesse de lui.

Pour la deuxième fois dans sa vie il subissait des dégâts suffisants pour tuer un humain. Le choc le pulvérisa littéralement. La marée réunit lentement les gouttelettes argentées éparpillées sur toute la plage et les vagues portèrent pendant un temps qui lui parut une éternité une flaque visqueuse et primitive, une forme sous laquelle Jerry ne pouvait rien faire et ne percevait que la douleur. Mais il fini par se reformer, lentement.

Quelques jours plus tard la marée déposait donc un homme d'une quarantaine d'année habillé d'un costume blanc qui au lieu d'être mouillé par l'eau était couvert de gouttes qui glissaient le long de la silhouette du démon comme s'il était imperméable. Jerry était biensur imperméable et ce qui semblait être des vêtement faisait en fait partie intégrante de son corps.

Bienvenue à toi qui t'es égaré seul sur une plage où souffre un démon à l'agonie. Tu sais que c'est un démon par un millier d'indices que t'apporte ta perception surnaturelle. Maintenant c'est à toi de décider de ce que tu vas faire de cette information.

La douleur n'est pas une chose facile à gérer. Elle l'est encore moins lorsqu'on est un démon agé d'un bon millénaire qui a toujours eut l'habitude d'apporter la souffrance plutôt que d'en recevoir.
Mais là, en cet instant, le cerveau de l'humain qu'il possèdait n'était pas d'accord.
Zélos avait utilisé ses pouvoirs à trop fortes doses. Le corps du jeune homme n'arrivait pas à le supporter, et le résultat provoquait en lui une souffrance des plus intolérable.
C'était pour cette raison qu'il était parti en mission, l'arrachant des main de Eve. Il voulait avoir à penser à autre chose. Et dans cette optique, il avait presque réussit car la mer qui lui faisait face l'aidait grandement à noyer sa douleur. Celle-ci disparut presque lorsqu'un reflet blanc attira son attention.
Il vit alors ce pour quoi il était venu, un démon nommé Jerry Aven qui, pour une raison qui avait échappé au jeune démon, s'était retrouvé dans l'eau, affaibli.

Zélos s'avança vers ce qui semblait être un quadragénaire de sexe masculin dont la discretion vestimentaire laissait quelque peu à désirer (lui-même s'était contenté d'une paire de baskets, jean, T-shirt et veste).
Il se baissa et attrapa la créature qui gisait devant lui. Il n'eut aucun mal à la traîner de façon à ce qu'elle soit au sec.
Sa mission consistait à le "récupérer", et surtout à faire en sorte à ce qu'il soit en bon état. Mais le manque de détails se faisait sentir soudainement. maudissant sa bêtise, et surtout son mal de tête. Il s'assis légèrement à l'écart de Jerry, qu'il laissa allongé sur le dos.
Il fallaut quelques heures pour que le démon-gelée commence à montrer des signes de vie. Zélos, qui avait passé son temps à envoyer sa douleur dans l'horizon, baissa les yeux vers le bléssé.

- Bonjour monsieur Aven, j'espère que vous allez un peu mieux.

Malgré la politesse dont il faisait preuve, le prince démoniaque n'arrivait pas, et ne semblait pas vouloir, cacher son indifférence totale quant à la santé du démon, mais il fit tout de même des efforts pour s'y intéresser. Aprés tout, tant que la créature était en vie, elle lui servirait d'échappatoire.

Alors qu'il n'avait plus les pieds dans l'eau, il devenait clair que les vêtement et la peau du démon étaient de la même matière sur laquelle l'eau glissait sans mouiller. Le démon ouvrit les yeux et se tourna vers la voix. Il ne percevait que vaguement les paroles et la silhouette de son sauveur. Il bougea vaguement la tête en signe d'acquiescement, oui, il allait bien. Il irait encore mieux dans quelques minutes et d'ici une heure ou deux il pourrait même marcher normalement. C'était étrange, c'est la deuxième fois qu'il était aussi gravement blessé mais les sensations étaient tout à fait différentes. L'impact et l'eau avaient eu un effet étrange sur sa composition. D'ailleurs à mesure qu'il reprenait une substance cohérente, il sentait qu'il isolait une grande quantité de liquide dans son corps. Il eut une convulsion et vomit presque un litre d'eau de mer avant de s'assoir sur le sable, visiblement perturbé.

Vous remplacez Ève?

Interrogea-t-il au bout d'un moment.

L'objet de sa mission était vraiment en mauvais état. En fait il faisait peine à voir. Vu ses particularités physiques, Zélos se demandait vaguement comment il avait été blessé de cette façon, et surtout par qui. Mais de toutes évidences, l'état physique et mental du tueur démoniaque ne lui permettait pas tout à fait de se pencher sur ce genre de problème sensible. En fait, son soucis principal consistait à recracher toute l'eau qu'il avait avalé, soit probalement de quoi remplir une piscine municipale. Pas dégoute le moins du monde, il observa la créature blessée se remettre de sa condition.
Avec toute la classe dont il était encore capable (respect), monsieur Aven se contenta ensuite de s'intérroger sur la situation immédiate. Aaah le côté pragmatique, formidable qualité qui pouvait être qualifié d'utile, ce qu'on ne pouvait pas dire de toutes les autres.

- En fait, je paye mon nouveau loyer. Mais pour faire simple, oui je la remplace cette fois-ci.

Eh oui, Zélos n'avait plus de toit à lui au dessus de sa petite tête d'humain adolescent. Alors il devait bien mériter celui qu'on voulait bien lui prêter. Question d'orgeuil peut-être... Ou de politesse ? Non, pas possible !
Pour s'empêcher de trop réfléchir, et par la même occasio d'accentuer sa migraine, il s'intéressa de plus prés au cas de Jerry.

- Vous avez besoin de quelque chose en particulier ?

Jerry gardait son élégance en effet. Il avait une sorte de flegme qui n'avait rien à envier aux britanniques. Même assis en tailleur sur une plage, après avoir vomi des flots d'eau de mer qui n'en finissaient plus, il restait classieux. Son costume blanc aidait surement un peu dans ce sens.

Non, rien de particulier. Le moment le plus difficile est passé. Quoique si, il faudra que je mange.

Oui, la régénération lui avait coûté beaucoup d'énergie et il se serait bien laissé tenté par de la nourriture humaine. Des lasagnes par exemple.

Vous connaissez de bons restaurants italiens?

Questionna-t-il en supposant qu'on lui avait fait porté une sorte de serviteur. En tout cas c'est ce que laissait entendre sa dernière question. Aussi il avait parlé avec un ton de légère supériorité.

Laissant Jerry se vider de tout le liquide marin qu'il avait ingéré. Zélos laissa son regard se promener sur l'horizon, magnifique ligne transpirant l'inconnu et le mystère, symbole de liberté également. Il se releva, mit les mains dans les poches de son jean et laissa ses yeux se perdre dans cette vue. Devant ce spectacle, même la douleur paraissait minuscule, insignifiante.
Les cheveux ébouriffés par le vent, il ne pensait plus à rien, juste à regarder et à écouter les vagues. Même les vomissements de Jerry (son pourtant loin d'être discret et élégant) se perdaient dans l'air salé.
Pendant une seconde, il ferma les yeux; pendant cette seconde, un souvenir l'assaillit.

Il était sur la plage, l'eau montait jusqu'à ses genoux et il fixait l'horizon avec un grand sourire sur les lèvres. Puis une voix s'éleva et lui dit de sortir de l'eau avant d'attraper froid. C'était une voix féminine trés agréable, douce, chaleureuse, une caresse transformée en son. Il se retourna et vit une grande personne qui s'avançait vers lui, sa mère, les longs cheveux au vent et le bras tendu vers lui.
*- J'arrive, Maman.*
Et sans plus attendre, le petit Felix se précipita vers sa mère, pataugeant dans l'eau et s'éclaboussant au passage.[i]

"Vous connaissez de bons restaurants italiens?"

[i]La voix du démon sortit Zélos de sa torpeur et de ce souvenir qui n'était pas le sien. Le jeune démon ouvrit les yeux et succomba à un sentiment de stupéfaction mélangait à de l'écoeurement. En visionnant ce souvenir, il avait également capté les sentiments du petit garçon, et tout cet amour l'avait choqué comme pas possible.
Il mit un certain moment à se rappeler de ce que le démon visqueux venait de lui dire. Il mit moins de temps à accorder plus d'importance à la note d'orgueil que la créature avait accordée à sa voix qu'au contenu en lui-même.
Aussi, il ne prit pas la peine de pointer le regard vers lui et se contenta de lui lancer avec une indifférence monstre:

- Désolé je n'en connais aucun... Mais si vous voulez, vous pouvez manger du sable et je ferais en sorte que vous ayez l'impression de savourer les meilleures pâtes du monde...

La réponse arriva à Jerry en pleine face et le tira violemment de son demi-coma par son côté absurde et décalé. Il fit donc un effort de concentration et détailla rapidement le démon qu'il avait en face de lui. Il finit par le reconnaître alors que son esprit se remettait doucement en place. C'était le démon de l'appartement d'Eve. Le /Voyageur dimensionnel/Egaré temporel/Inadapté social (rayez les mentions inutiles). Bon la chose sure et certaine c'était qu'il était facilement vexé, à défaut d'être vraiment puissant. Mieux valait s'en assurer:

Excusez-moi, je ne vous ai pas demandé votre nom?

S'il sortait accompagné d'une flopée de titre, alors c'était bon il était tombé sur un gros morceaux. Mais tout de même c'était peu probable vu qu'il avait pour mission de ramasser Jerry sur la plage pour payer son loyer. C'était une sorte de tâche subalterne quand même.

"Excusez-moi, je ne vous ai pas demandé votre nom?"

Décidément, pour un démon gélatineux qui venait apparemment de se prendre une bonne râclée, il se montrait bien condescendant avec lui. Ou bien c'était lui qui devenait parano ? Non, ce n'était pas ça.
Finalement, les démons n'étaient peut-être pas si honnorables que ça dans cette dimension. Non pas qu'ils l'étaient dans la sienne, mais bon, c'était quand même décevant.

Zélos plongea cette fois son regard dans celui de Jerry. Il ne le fixait pas d'un air hostile, ni même menaçant, en fait, le jeune démon semblait plutôt las de tous ce qu'il se passait.
Il ne se sentait pas trés utile à rester là, à observer le paysage, magnifique, certes, et à tailler une bavette à un démon.
Toujours imbibé d'une certaine indifférence, il répondit à Jerry de la manière la plus polie possible. Possible pour Zélos, bien sûr.

- Mon nom d'état civil est Felix Cahill. Mais vous, vous pouvez m'appeler "Le gentil monsieur qui s'est déplacé rien que pour moi"

La blague subtile: il ne lui avait pas donné son nom démoniaque, son véritable nom, celui qui était à la fois craint et respecté chez lui, surtout craint en fait.
La blague pas subtile: celle avec "Le gentil monsieur etc..."
En fait, de toute évidence, Jerry ne semblait pas savoir du tout à qui il avait à faire. Pas de chance pour lui, laisser un démon dans l'ignorance était la seule occupation amusante qui se présentait à Zélos. Néanmoins, s'il y tenait, il pourrait se présenter d'une manière plus... disons plus prisée par les démons en général. Ca aussi, ça l'amuserait beaucoup.
La seule chose qui le retenait pour l'instant: c'était que sa mission, si on pouvait appeler ça une mission, consistait à assurer le bien être de cet être gélatineux.

Le temps passait lentement, le soleil semblait ralentir sa course péniblement comme s'il doutait de l'utilité de cette tâche. Les heures s'étiraient comme des fruits dans un tableau de Dali. Jerry avait passé un temps difficile à évaluer à fixer l'horizon comme s'il attendait d'y voir un signe. Le signe finit par arriver, invisible aux yeux de tout autre que lui, pour cette simple raison qu'il était interne. Sans bruit, ses os avaient poussés et venaient de se fixer entre eux, il avait entièrement récupéré de ses blessures. Jerry se tourna vers le gentil monsieur, il avait maintenant les idées claires:

Votre sort n'est pas enviable. Est-ce qu'il y a quelque chose qui pourrait apaiser votre séjour dans ce monde?

Demanda Jerry avec une politesse qui était plus celle d'un ami que d'un serviteur. Il ne savait toujours pas si son interlocuteur était puissant ou non mais il comprenait assurément qu'il n'était pas habitué au monde tel qu'il était. Et en ce sens l'attitude de Jerry avait été rude et impoli. En démon respectueux du protocole il tâchait donc de rattraper l'affront.

Peut-être devriez-vous essayer la nourriture Italienne.

Après tout, les humains étaient plutôt doués pour faire de la bonne nourriture, surtout le Clan d'humains qu'on appelait les Italiens.

"Votre sort n'est pas enviable. Est-ce qu'il y a quelque chose qui pourrait apaiser votre séjour dans ce monde?
Peut-être devriez-vous essayer la nourriture Italienne"

Pour le coup, Jerry était beaucoup plus poli. Peut-être le démon gluant était-il de meilleure humeur. Sa condition physique affecterait donc son caractère ? Non, ce n'était pas le moment de faire des hypothèses plus farfelues les unes que les autres... Oh et puis pourquoi pas, aprés tout si ça faisait plaisir à Zélos, c'était forcément bien ! Non ?
Ceci dit, au lieu de laisser son imagination le rattraper, il fallait bien prendre en compte le contenu des paroles de monsieur Aven.
De son visage humanoïde de poupin, le prince arbora un sourire amusé. Il avait apprit à sourire comme un ange, si bien que cela lui revenait parfois même lorsque les circonstances ne l'éxigeaient pas. Car qui aurait envie de sortir son sourire de "lover" devant un démon fatigué et trop salé ?

- Votre inquiétude me touche. Mais je ne crois pas que la cuisine italienne pourrait m'aider en l'occurence. Ceci dit, j'ai déjà goûté les "lasagnes", c'est en effet agréable à manger.

Puis, Zélos reconsidéra le démon, avec une expression intérrogatrice sur le visage avant de finir par déclarer:

- Si vous voulez vraiment un plat italien, on peut attraper un livreur de pizza. Il y en a beaucoup en ville, je suis sûr que l'un d'entre eux va bientôt passer prés de nous.

Se rendant compte par la suite que Jerry était peut-être encore moins au courant des choses du monde des humains que lui, il se permit d'ajouter un détail fort important.

- Car il me semble que les pizzas proviennent d'italie.

Déjà, Zélos avait pas un rond sur lui, et surtout il n'était ni en état ni d'humeur à tuer tout un restaurant pour un plat de lasagnes. Du moins pas ce soir.

Jerry se leva à la perspective d'un livreur de pizza. Un meurtre bien propre finirait surement de remonter lui remonter le moral. Voilà qui était bien pensé.

Pizza ce sera alors.

Décida-t-il en changeant déjà ses doigts en griffes. Depuis qu'il s'était entrainé au combat, il redécouvrait son propre corps et changeait avec une vitesse et une facilité accrue, c'était plaisant.

C'est amusant. Nous sommes des démons, donc issus de dimensions différentes, même moi qui suis né sur cette terre j'y suis un étranger pour toujours. Et pourtant ce monde est aussi notre lieu de vie, notre territoire autant que celui des humains. Et ces mêmes humains, nous cherchons à les détruire mais leur culture nous fascine et nous ne pouvons nous empêcher, en habitants de ce monde de nous l'approprier. Ce faisant nous devenons ce que nous sommes censés combattre... pardon je m'emporte.

Jerry n'avait pas l'habitude des digressions philosophiques de ce genre et le caractère quelque peu décousu de son discours s'en ressentait. Mais il avait ressenti le besoin soudain d'exprimer ce paradoxe qui l'habitait. Peut-être une connexion neurale qui venait de se régénérer par erreur qui sait? Ce n'était que la deuxième fois qu'il mourrait et il ne comprenait pas encore complètement le phénomène.

Si la pizza ne suffit pas, nous pourrons toujours faire griller le livreur, j'ai constaté récemment que la nourriture est meilleure cuite.

Conclut-il sur un ton neutre en revenant au sujet initial.

Zélos ressentit une certaine satisfaction à constater que le démon appréciait sa proposition de repas. Il l’observa sagement faire sortir ses griffes. Huuuuum, voilà une méthode de meurtre qui était bien alléchante aux yeux du prince démoniaque. Néanmoins, elle était quelque peu révolue de part la coquille qu’il habitait. Ses habitudes en étaient donc chamboulées. Aussi, il eut du mal à rejeter le désir d’assister à la mort brutale du prochain livreur de pizza qui passerait par là. Seulement, il était ici au nom de Eve, il devait faire exactement ce qu’elle ferait à sa place. Bon, certes, à la base, assassiner un livreur de pizzas ne ferait jamais partie des projets de la jeune femme. Mais dans tous les cas, le mode opératoire se devait d’être discret. Chose que, bien qu’incomprise de sa part, il devait expliquer au démon aux mains d’argent.

- Hum… Oui… Mais je crois que vu les circonstances, il vaudrait mieux agir discrètement. Je veux dire… J’ignore qui vous avait mis dans cet état, mais il vaut mieux éviter d’attirer son attention, n’est-ce pas ?

Surtout que lui-même n’était pas vraiment d’humeur à se battre ce soir. D’humeur ou en état… Non, en tant que démon fier, il n’était pas d’humeur, simplement.
Décidé à chasser de la pizza, il s’avança en direction de la route mais resta à distance. De là où il était il pouvait voir quel véhicule circulait et c’était bien suffisant. Il écouta d’une oreille plus ou moins attentive le discours bien philosophique de son camarade. Par politesse et peut-être aussi par intérêt, il décida qu’il devait dire quelque chose pour commenter les propos de Jerry.

- Oui… C’est assez paradoxal en effet… Je suppose que c’est aussi pour cela que nous voulons les détruire, parce qu’ils nous changent sans qu’on puisse rien y faire…

Aaaaah, que c’était émouvant. Deux beaux démons en pleine remise en question existentielle. Mais avant que les larmes de sang (ou d’autre chose) ne se mettent à couler, Jerry eut la bonne idée de revenir au sujet principal. Ce qui fit rire un peu le jeune démon.
Puis, un bruit de pétard se fit entendre sur la route devant eux. Peu de temps après, Zélos vit un vieux scooter passer en face. Un petit coup de télékinésie et l’engin se dirigea vers eux. Au cotact du sable le deux roues commença a vaciller pour finalement tomber. Zélos s’avança. Le conducteur lui, se releva, un filet de sang décorait son front. Il était en état de choc et se tourna vers Felix pour le demander de l’aide. Sans rien lui répondre, le démon aux yeux bleus posa une main sur l’épaule de l’humain et le projeta dans les airs. Il atterrit aux pieds de monsieur Aven. Zélos se tourna vers ce dernier et lui demanda le plus poliment du monde :

- De la discrétion. Le moins de cri possible et pas trop de sang.

Laissant à Jerry le loisir de s’amuser un peu (le démon semblait décidé à tuer lui-même) Zélos s’approcha de l’appareil à terre et ouvrit la boîte contenant…

- Pizza quatre fromages et une Mexicaine, par quoi voulez-vous commencer ?
Puis il regarda ce qui restait du livreur.
Oh... Je n'ai pas de feu sur moi, désolé... Alors ? Quel est votre choix ?

Jerry ne put s'empêcher d'admirer la technique devant la démonstration télékinétique du démon. Voilà un pouvoir utile s'il en est. Utile et puissant... cette orgie de force surnaturelle libérée sans effort confirmait les soupçons de Jerry, mieux valait jouer la carte de la discrétion et de l'humilité. D'ailleurs c'est à un maximum de discrétion que le rappelait son complice du jour. Comme si Jerry Aven, assassin vengeur sur contrat depuis plus de vingts ans. Jerry planta sa main directement dans la bouche de la pauvre victime et laissa les griffres descendre dans la gorge et fouiller ce qui devait être la partie supérieure des poumons. Cela avait le triple avantage de tuer rapidement, d'étouffer complètement les cris et de faire couler le sang à l'intérieur du cadavre.

-Ne vous inquiétez pas de la discrétion, je suis un pro. Quand nous aurons terminer, il faudra l'attacher à son scooter et le balancer depuis la jetée. Quand les humains trouveront son corps bouffé par les poissons ils concluront à un règlement de comptes. Cette ville a beaucoup de comptes à régler avec ses habitants. A vrai dire j'aurais même tendance à dire que le volume de meurtre du aux démons est négligeable par rapport à la criminalité humaine.

Expliqua-t-il à Felix comme s'il parlait de la pluie et du beau temps.

-Quatre fromage, je ne mange pas les humaines, même si elles viennent du Mexique. Ça me file des problèmes digestifs.

En effet, Jerry avait fait du travail très propre sur ce coup là, répondant au passage aux petites demandes du prince démoniaque. Par contre, Zélos ne savait pas si ça venait de lui ou bien de la véritable nature du tueur, mais il le trouvait bien bavard. Mais en y réfléchissant bien, c'était peut-être normal. Aprés tout les tueurs ne parlaient pas trop à leurs "clients" enfin en général... Et celui-là semblait être très professionel. Enfin, s'il voulait parler, autant en profiter.

- Je constate une fois de plus que Wolfram et Hart ne s'entourent pas de n'importe quels assassins. C'est.. rassurant.

Ensuite vint la réponse de monsieur Aven sur sa préférence de pizza. Zélos ne put s'empêcher de rire. Mais ce qu'il y avait d'étrange dans ce rire c'était que, bien que la raison en elle-même était plutôt glauque et macabre, le rire, dans sa musique, était particulièrement... humain. Du moins aux oreilles du prince démoniaque. Ainsi, il ne dura pas longtemps. Fâché contre lui-même et surtout contre son squatteur mental, Zélos tendis la pizza demandée à Jerry.

- Voici.

Préférant ne pas s'étendre sur sa réaction d'"humain", et aussi sans juger qu'il serait bon d'informer le démon sur la véritable composition de la pizza méxicaine, Zélos ajouta:

- Il est vrai que les Mexicaines font cet effet à beaucoup de gens...

Jerry n'était pas idiot... enfin c'est vrai, quand on lui proposait une pizza à la mexicaine, il ne pensait pas tout de suite à des ingrédients comme des piments, des poivrons ou des haricots rouges, soit il n'était pas un guide gastronomique, mais il savait quand on se moquait de lui.

-Il n'y a pas de viande humaine dans les pizzas, n'est-ce pas?

Demanda-t-il en se doutant bien de la réponse. Puis réalisant le trouble chez son interlocuteur, il passa à une question plus sérieuse:

-Monsieur, ça ne va pas? Vous avez l'air...contrarié.

Bon, de toutes évidences, il était tombé sur un démon à qui il fallait tout expliquer. Cela lui rappelait ses propres débuts dans ce monde. Ce qui n'était pas vraiment un bon souvenir. Ceci dit, en bon prince magnanime, Zélos daigna lui offrir une explication.

- Pas dans les pizzas normales, en tout cas.

Et histoire de faire bonne impression, il ajouta:

- On dirait que vous ne conaissez pas grand chose de ce monde. Vous êtes ici depuis peu ?

Bateau comme question, certes, mais montrer qu'on s'intéresse à l'autre était toujours un bon moyen pour établir une bonne communication... enfin, avec les humains en tout cas. C'était d'ailleurs un des rares avantages de cette espèce: leur côté uniforme. Ils ne reservaient pas beaucoup de surprises. C'en devenait ennuyeux, parfois. Mais avec les démons, on ne savait jamais à quoi s'attendre. Et en cet instant, il était difficile de dire si Zélos avait envie de surprises ou non.
Première vérification: Jerry s'intéresse à ses problèmes. Un démon soucieux de l'autre ? Sans raison ? Impossible. Il fallait vérifier ça.

- Je dois commencer à avoir le mal du monde et je ne trouve pas de remède à ça. Ce qui est assez contrariant...

Jerry réalisait bien l'étendu de sa bêtise. Il s'inclina légèrement en signe d'excuse:

-Non, je suis natif de ce monde, je sais bien que les humains ne sont pas cannibales. C'est juste que je ne m'intéresse pas vraiment à la gastronomie.

C'était le cas de le dire, plus de trente ans à se nourrir de détritus.

-J'imagine ce que vous ressentez, j'ai moi-même passé deux ans dans un pays étranger. Un désert où la moitié des gens ne parlaient pas anglais, un sacré foutoir.

L'Afghanistan, la pire mission de sa vie, définitivement. Ce devait être encore pire lorsqu'il s'agissait même d'une autre dimension.

-A quoi ressemble votre monde, si ce n'est pas trop indiscret?

Un démon tueur qui faisait de l'humour, c'était bien la chance de Zélos ! Avait-il l'air d'humeur à faire de l'humour ? Franchement ? Mais l'humour était aussi un moyen d'apaiser la tension, il fallait comprendre Jerry... Mais... Non ! Depuis quand fallait-il se montrer compatissant avec les autres ?! Zélos était un prince démoniaque, membre de l'élite. Il n'avait pas à se montrer compréhensif ni rien du genre... Le prince démoniaque avait vraiment mal à la tête du coup.
En guise de réponse, il se contenta de mordre dans une part de pizza. La sauce piquante exprimait plutôt bien son état d'esprit...

S'en suivit un petit moment nostalgique pour l'assassin du cabinet. Il raconta un souvenir. Ce qui fit sourire Zélos en s'imaginant lui-même dans une situation similaire. Carnage assuré. Puis vint une question sur son monde à lui. Comme si le langage de ce monde pouvait décrire son univers natal de manière décente !

- L'air y est plus lourd. Il est difficile d'y avancer, ainsi les plus faibles sont désavantagés. Les gens s'y battent tout le temps, c'est à la fois un hobby, un travail et une raison de vivre. La terreur y est omniprésente. Pour moi, c'est une ambiance extrêmement reposante. Il y a tant autre à dire, mais décrire tout un monde n'est pas une chose facile, surtout avec des mots...

Zélos plongea ensuite un court instant dans un silence nostalgique avant de murmurer en guise de conclusion:

- Home, sweet home... Et sinon vous, comment en êtes-vous venu là, à travailler pour Wolfram et Hart ?

Jerry écouta attentivement la description en essayant de s'imaginer un tel paysage. Il aimait bien entendre parler des autres mondes, il se disait que peut-être il y avait dans un de ces mondes des démons semblables à lui, des êtres qui lui ressemblaient et qui le comprendraient. Une simple rêverie.

-Comment j'ai été recruté? Une sorte d'OPA comme diraient les humains. J'étais déjà un tueur vengeur à cette époque. Je leur louais le droit d'utiliser des contrats de sang avec leurs enchantements exclusifs pour savoir si un de mes propres clients était tué. Et ensuite j'allais le venger. Le problème de cette méthode c'est qu'elle n'est dissuasive que si elle se généralise. Du coup ils m'ont proposé l'exclusivité. J'ai abandonné les vengeances free-lance et en échange tous les employés de W&H aux Etats-unis sont liés à moi par contrat. Si l'un d'eux est tué, je le sais immédiatement.

Le côté problématique c'est qu'avant il était payé à la signature du contrat alors que maintenant il était payé lorsque le coupable était exécuté. En plus si plusieurs employés sont tués par la même personne, il ne touche qu'une seule prime en les vengeant. D'un autre côté il avait beaucoup plus de clients. Il n'osait pas demander la fonction au démon, ne sachant toujours pas à qui il avait à faire exactement, il avait peur que ce soit déplacé. Il se contenta donc de manger.

Zélos prenait bien soin de noter toutes ces informations dans un coin de sa tête. Ce qui n'était pas chose facile sachant que Felix s'y promenait de temps à autres. Si seulement il pouvait tenir son cou entre ses doigts à celui-là... Mais c'était impossible, et en plus, il ne pouvait presque rien lui infliger de pire, ayant déjà tué ses chers parents... Mais passons sur ces vieux souvenirs.

- Ca doit quand même faire pas mal de travail tout ça. Avec tous les ennemis qu'il y a.

Le prince démoniaque avait beau ne pas se soucier le moins du monde de Jerry ni de ce que celui-ci pouvait penser, il était quand même difficile d'ignorer son comportement. Le tueur avait beau être vraiment expérimenté (et cela, Zélos devait vraiment l'avouer), le Démon Dauphin arrivait tout de même à voir qu'il retenait un peu sa curiosité. Après une rapide réflexion, il s'en sentit assez fier. Pouvoir inspirer un tel sentiment de respect était jouissif et... plutôt rare en fait. Eve ayant tellement l'habitude de lui répondre et de s'affirmer, Zélos n'avait pas vraiment eu droit à la moitié du respect qui ui était dû sur cette Terre. Somme toute, un tel comportement le mettait d'assez bonne humeur.
Après avoir jeté un regard vif sur la pizza que Jerry mangeait, il lui demanda:

- Votre état physique s'est amélioré ?

Jerry acquiesça silencieusement à la première question. Oui, c'était beaucoup de travail, mais la paye était en conséquence donc il n'avait pas à se plaindre. Son état physique? Ha, oui, c'est vrai que le démon mystérieux n'était pas là pour faire la causette mais pour accompagner Jerry dans sa convalescence.

-Oui, ça va mieux. A chaque fois le processus est un plus aisé, quoique cette fois-ci j'ai eu un long temps de flottement. Je crois bien que j'étais éparpillé, littéralement éparpillé dans la mer.

Il était vraiment un être unique en fin de compte, sous bien des aspects.

-En tout cas, merci. Sans votre présence j'aurais peut-être eu des problèmes le temps de me reconstituer entièrement.

Sur ce il tendit une main amicale à cette nouvelle connaissance:

-Ce fut un plaisir, j'espère sincèrement que nous aurons l'occasion de travailler ensemble.

En dépit de sa propre puissance tout à fait exceptionelle, Zélos ne put s'empêcher d'être impressioné par les capacités de récupération du Démon avec qui il parlait. Il fallait dire qu'au début, il était dans un très piteux état. Enfin, maintenant il allait mieux, la mission du Prince était terminée, aucun curieux ou ennemi n'avait dérangé le tueur du cabinet, objectif atteint.

- La prochaine fois, préparez-vous bien avant d'affronter un tel adversaire. Je suis sûr que vous n'avez pas plus envie que moi que l'on se revoit dans des circonstances similaires.

Car il fallait bien avouer que cela deviendrait ennuyeux si Zélos devait secourir régulièrement la même personne. Drôle au début, en tout cas pour lui, mais vite ennuyeux.
Le Prince serra la main de l'agent. Pour montrer ses bonnes intentions, il évita de serrer trop fort. Après tout, qui sait quels effets pourraient donner sa force et la form liquide du démon une fois confrontées... Et Zélos n'était pas franchement d'humeur à faire des expériences.
Il sourit à la remarque de Jerry, un sourire poli qui, cachait bien le fait qu'il était assez heureux d'avoir réussit à récolter quelques informations sympathiques sur le système de protection de Wolfram et Hart.

[Fin du topic?]

[OK
Sujet Terminé]

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